10 février 2021 - 13:49
Appropriation culturelle dans le monde du sport : plus un hommage qu’une insulte
Par: Alexandre Brouillard

Pour Jacques T. Watso, élu au conseil des Abénakis d’Odanak, le logo des Éperviers de Sorel-Tracy n’est pas offensant. Photo tirée de leur page Facebook

Plusieurs équipes sportives professionnelles ont changé d’identité à la suite d’accusations d’appropriation culturelle. Localement, les Éperviers de Sorel-Tracy arborent un chef amérindien comme logo. Cette appropriation d’éléments culturels de peuples autochtones doit-elle être perçue comme une insulte ou plutôt comme une sorte d’hommage?

Les Redskins de Washington dans la NFL, les Eskimos d’Edmonton dans la LCF et même les Redmen de McGill dans le sport universitaire ont tous changé d’identité. Les Indians de Cleveland (MLB) prévoient le faire sous peu. Ces changements d’identité s’inscrivent dans un large mouvement d’appropriation d’éléments culturels de peuples colonisés.

À l’échelle locale, qu’en est-il des Éperviers de Sorel-Tracy? Leur effigie, identique à celle des Blackhawks de Chicago (qui ont décidé de garder leur nom et logo), représenterait un chef amérindien de la tribu Sauk et Fox qui aurait combattu lors de la Guerre anglo-américaine de 1812. « Ce logo remonte aux années 1970 avec le club junior des Éperviers. Je considère qu’il rend hommage aux autochtones et je serais déçu de devoir le changer. Après nos championnats, nous avons construit une identité de vainqueur alentour de notre nom et de notre logo », explique Christian Deschênes, directeur général et entraîneur-chef des Éperviers de Sorel-Tracy.

Pour Jacques T. Watso, un élu au conseil des Abénakis d’Odanak, deux écoles de pensée concernant l’appropriation culturelle existent effectivement chez les autochtones. « Il y a ceux qui sont offusqués par ces logos et par ces noms d’équipes sportives. Ils considèrent ça comme des parjures raciales. Tandis que d’autres personnes voient cela comme une forme d’hommage et comme une façon de s’identifier. On peut penser à des jeunes de ma communauté qui portent fièrement des casquettes des Chiefs de Kansas City. […] Cela dit, le logo des Éperviers ne m’offense pas du tout », explique-t-il.

Pour Yan Maclure, enseignant d’histoire au Cégep de Sorel-Tracy, l’appropriation culturelle est un concept assez récent qui ne fait pas l’unanimité dans les hautes sphères académiques. « Il faut d’abord se demander qui peut se targuer de représenter un peuple et se demander d’ vient la critique. Les débats entourant l’appropriation culturelle dans le monde du sport sont nés dans les milieux universitaires. Pour ma part, je suis très critique de ce concept et j’ai l’impression que de petits groupes de personnes influencent une majorité et s’attaquent à des trucs triviaux », explique-t-il.

Néanmoins, certaines personnes croient qu’objectiver les autochtones, les utiliser comme accessoires et ne pas reconnaître leurs complexités doit cesser. Sophie Pagé-Sabourin, étudiante à la maîtrise en science politique et s’intéressant aux enjeux autochtones, croit qu’initialement, les clubs sportifs concernés n’étaient pas mal intentionnés. « Il faut reconnaître l’historique colonial si nous voulons favoriser une réconciliation. Il faut écouter ce que les peuples autochtones ont à dire et je ne crois pas qu’utiliser des stéréotypes comme logos d’équipes sportives est une bonne façon d’y arriver », affirme-t-elle.

Favoriser l’éducation

Pour M. Maclure, le concept d’appropriation culturelle brise les liens entre les peuples. « Nous devrions plutôt nous concentrer sur l’éducation des cultures et sur l’apprentissage des langues autochtones. Je crois que pour apprendre sur un peuple et comprendre une nouvelle culture, il faut étudier leur langue », explique-t-il.

Jacques T. Watso admet qu’il serait plus utile d’éduquer les gens parce qu’il existe plusieurs variations de l’appropriation culturelle. « Le phénomène est plus intense chez certaines équipes professionnelles américaines. On peut penser aux Indians de Cleveland, qui avaient un logo assez dégradant avec le faux panache. Je crois tout de même que le dialogue est la meilleure voie », conclut-il.

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