26 janvier 2016 - 00:00
Technologie : un choc de générations et d’idéologies
Par: Julie Lambert
Nadège Gingras et Pierre Desmarais sont aux antipodes dans leur utilisation de la technologie. | Photo : TC Média – Pascal Cournoyer

Nadège Gingras et Pierre Desmarais sont aux antipodes dans leur utilisation de la technologie. | Photo : TC Média – Pascal Cournoyer

Si les mots iPad, tablettes, réseaux sociaux, iPod, ordinateur et téléphone intelligent sont incompréhensibles pour plusieurs personnes âgées tandis qu’ils sont monnaie courante pour la jeune génération, ce n’est pas le cas pour Pierre Desmarais, 60 ans, passionné par les technologies et Nadège Gingras, 24 ans, qui utilise ces outils le moins possible au quotidien.

Le Journal a provoqué une rencontre d’une quarantaine de minutes entre ces deux personnes aux antipodes des stéréotypes véhiculés, qui ont échangé sur leur vision de la technologie. Voici un résumé de cette discussion où les deux protagonistes ont pris plaisir à partager leur point de vue.

Éveil

Journaliste: Quel a été votre premier contact avec la technologie?

Pierre Desmarais: C’est grâce à mon père que j’ai utilisé pour la première fois un ordinateur. C’était en 1980. J’avais 24 ans. Je trouvais extraordinaire ce que nous pouvions faire avec un simple clavier et une souris. J’étais vraiment déçu de devoir taper à la dactylo à l’école. Après un an, je m’en suis acheté un et par la suite, tous les deux ou trois ans jusqu’à aujourd’hui.

Nadège Gingras: Je la côtoie depuis que je suis jeune. J’ai eu mon premier téléphone cellulaire au secondaire. J’ai ensuite étudié en infographie. J’ai toujours été à l’aise avec la technologie. Ma mère est dessinatrice industrielle et mon beau-père est infographiste, alors on a toujours eu des ordinateurs à la maison.

Utilisation

Journaliste: Aujourd’hui, diriez-vous que la technologie fait partie de votre quotidien?

Pierre Desmarais: J’ai travaillé chez Hydro-Québec pendant 10 ans avec le système K-Batch, un système de saisie (cartes perforées) et sur AS400. J’ai fait de nombreux sites Internet pour diverses associations et commerces. J’ai moi-même construit quelques ordinateurs. De 2010 à 2013, j’ai donné des cours individuels en informatique pour personnes âgées et je faisais de la maintenance sur les PC. Je possède toujours un site Web en collaboration avec la revue française À vos Mac pour faire leur promotion et créer l’index de la revue. En 2012, je possédais à la maison 15 ordinateurs, Windows et Apple. Pour l’instant, je me limite aux produits Apple; iMac, MacBook Pro, MacBook Air, iPad mini, iPod, Apple TV, caméra de surveillance et iPhone.

C’est avec un sourire que Nadège Gingras répond à son vis-à-vis: Je l’utilise au strict minimum. Je n’ai qu’un téléphone cellulaire pour les urgences avec une carte payante. Chez moi, je n’avais pas le câble ni le téléphone. J’ai le câble seulement depuis quelques mois en raison de ma coloc. J’ai un profil Facebook, mais je n’y vais qu’une fois aux deux ou trois semaines. J’avais un ordinateur lorsque je faisais mon cours en infographie, mais j’ai abandonné parce que cela ne m’attirait pas de rester assisse à faire ça toute la journée! Il est dans le fond de mon garde-robe….

Pierre Desmarais: C’est rare pour une fille de ton âge!

Nadège Gingras, en riant: Oui, je sais. J’ai fait un voyage en 2011. Je participé au programme Katimavik grâce auquel j’ai travaillé pendant un an dans un parc national. Nous n’avions Internet que pendant 30 minutes et pas de télévision. Quand je suis revenue ici, je me suis rendu compte que ce n’était pas si nécessaire. Cette expérience a changé ma perception des technologies.

Surpris, Pierre Desmarais rétorque: Tu risques d’avoir de la difficulté à te remettre à jour si tu attends longtemps! La technologie évolue tellement vite. Peut-être en auras-tu besoin un jour dans ton futur travail. Tu n’auras peut-être pas le choix.

Nadège Gingras: Je sais. Ça ne me fait pas peur. Je suis une fille qui apprend vite. Je me tiens informée auprès de mon entourage et je lis beaucoup. Je crois que si je n’ai pas le choix, je le ferai, mais pour le moment, mon choix me convient.

Perceptions

Journaliste: Comment voyez-vous l’utilisation de la technologie par les membres de votre entourage?

Nadège Gingras: Quand je vois ma mère sur sa tablette, mon beau-père sur son ordinateur et ma sœur sur son iPhone, je trouve vraiment cela plate. Il y a moins de contacts humains. Je trouve aussi que cela nuit aux relations surtout amoureuses. Je vois des jeunes de mon âge utiliser Facebook de façon extrême en postant cinq fois par jour tout et n’importe quoi. Les gens se parlent par texto ou par Facebook au lieu de s’appeler.

Pierre Desmarais: Je vois de plus en plus de personnes âgées se munir d’ordinateur ou d’appareils. Souvent, ces personnes ont un but précis, c’est surtout pour rester en contact avec leur famille. Il n’y a pas de contradiction à l’utiliser le moins possible même si tu as besoin de l’utiliser. Il y a de belles opportunités d’échanger et d’apprendre avec la technologie. Mais comme toute chose, il y a un mauvais sens quand c’est mal utilisé.

Journaliste: Croyez-vous être des exceptions parmi votre génération concernant votre utilisation de la technologie?

Pierre Desmarais et Nadège Gingras répondent non au même moment.

Pierre Desmarais: Il y en a plein comme moi. De plus en plus de personnes d’un certain âge prennent des cours pour apprendre comment l’utiliser. Je crois toutefois que c’est une certaine catégorie de personnes. Des personnes n’en auront jamais besoin dans leur quotidien et ne voient pas l’utilité d’apprendre à un certain âge.

Nadège Gingras: J’en rencontre beaucoup comme moi, tout comme des personnes dans la trentaine. À mon voyage à Tadoussac aussi, des Français comme des Québécois.

Est-ce un désir de retour à la simplicité de ta génération ou est-ce parce que certains n’ont pas les moyens de se procurer ces appareils ?, questionne M. Desmarais.

Nadège Gingras: Je pense que certains souhaitent cette simplicité et que cela n’a pas une incidence sur le prix. Quand j’étais au secondaire, ma mère m’avait dit : « Si tu veux un téléphone, va travailler pour le payer. » Je pense que plusieurs font cela.

Avenir

Journaliste: Comment voyez-vous l’utilisation de la technologie dans le futur?

Pierre Desmarais: Je pense que cela continuera d’évoluer. Beaucoup devront l’utiliser. Le monde des robots s’en vient.

Nadège Gingras, en soupirant: Ce n’est pas une bonne idée. Cela perdrait le côté humain et ferait perdre beaucoup d’emplois alors qu’une ville comme Sorel a besoin de ça.

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