5 juin 2018 - 08:20
Quel chantier!
Par: Louise Grégoire-Racicot

Forte d'une expérience de plus de 40 ans dans les médias, dont 37 au journal Les 2 Rives, Louise Grégoire-Racicot écrit un éditorial hebdomadaire à propos de sujets régionaux.

Dès janvier 2019, on parlera de sexualité dans toutes les écoles de la région. Il était temps!

Même s’il y a tant à montrer, on n’y consacrera que 10 à 15 heures par année, de l’entrée à l’école primaire jusqu’à la 5e année du secondaire.

Le programme relève du ministère. Il faut espérer que les enseignant(e)s qui le dispenseront soient suffisamment à l’aise avec le sujet même. Ce qui n’est certes pas le cas de tous.

Car ils ne diffèrent pas de leur entourage. Tous ne discutent pas facilement de sexualité, du plaisir, des rapports interpersonnels. Des notions qui varient selon les milieux, les époques (morale, normes et idées), l’évolution des connaissances, les préjugés.

Oui, le sujet est sensible. Même des parents ne l’abordent pas aisément avec leurs propres enfants, prisonniers de l’éducation et de la religion dans laquelle ils ont grandi, des principes et valeurs qu’ils pratiquent et veulent transmettre à leurs enfants.

Pourtant, la sexualité est un aspect central, constitutif de la personne tout au long de sa vie. Elle inclut non seulement le sexe, l’érotisme, le plaisir, mais aussi la reproduction, les comportements sexuels et leurs couleurs culturelles. Elle induit enfin des sentiments et émotions de tout ordre. Elle a donc beaucoup à voir avec l’identité.

Jusqu’à maintenant, l’éducation sexuelle à l’école a surtout été pragmatique. En expliquant la mécanique de la procréation, elle tentait d’éviter l’aspect négatif de la sexualité – des grossesses non désirées, des risques d’infections transmissibles sexuellement (ITS). Des informations importantes oui, mais certes un seul angle de l’éducation sexuelle, non?

Depuis quelques mois, on sent cependant l’urgence d’agir plus globalement, et ce, à la suite de la déferlante des dénonciations pour agressions sexuelles. On veut implanter des relations plus saines entre hommes et femmes de tous les âges. L’occasion privilégiée d’apprivoiser une sexualité égalitaire et non stéréotypée. L’essentiel pour engendrer – sans jeu de mot – une société plus équilibrée.

On ne peut plus jouer à l’autruche en niant des droits sexuels aux jeunes, sous prétexte qu’ils sont présumément irresponsables. Mais plutôt contribuer à les faire grandir droit, égaux et libres.

Il faut leur apprendre à cesser tout comportement de dominants hétérosexuels. Qu’ils adoptent des attitudes sans discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Si cela ne s’enseigne pas souvent à la maison ou dans la rue, l’école doit y suppléer pour éviter toute violence psychologique et/ou physique prévisible, destructive et déplorable.

C’est pourquoi il ne faut plus reléguer la sexualité à la sphère individuelle et privée. Elle a une connotation sociétale qui conditionne trop les rapports humains.

On attend donc des enseignant(e)s qu’ils jouent ce rôle essentiel d’intégration positive de la sexualité dans le quotidien des jeunes.

Ce n’est certes pas une chose simple à faire. Elle demande beaucoup d’ouverture d’esprit et les mots justes pour le dire. Elle interpelle leurs propres valeurs, attitudes et comportements pour agir contre les préjugés tout en reconnaissant les besoins particuliers en matière d’épanouissement sexuel des jeunes.

Ils devront pouvoir répondre à leurs questions voire même les intégrer dans la construction d’échanges en classe sur les sujets qui les chicotent.

Ils devront enseigner une sexualité qui se détache du courant sombre et rigide qui l’a déjà entourée, incitant souvent au silence. Tout en s’inspirant du courant progressiste d’inspiration scandinave valorisant le plaisir des relations sexuelles et les revendications des différentes identités sexuelles.

Pour ce faire, exigeons qu’ils traitent notamment des rapports de pouvoir filles-garçons, des stéréotypes sexuels véhiculés par les médias, de la contraception comme responsabilité partagée, des mythes entourant les rôles sociaux, du respect des droits d’autrui, de la tolérance zéro contre les agressions sexuelles et la violence.

Tout un chantier!

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