19 janvier 2016 - 00:00
Les parents du jeune Liam se tournent vers la Chine
Par: Julie Lambert
La famille de Liam Défossés atteint amyotrophie spinale de type 1, ne lésine pas sur les efforts pour améliorer sa qualité de vie. Sur la photo, le papa Yan Défossés, Liam, la maman Emmanuelle Desbiens et son grand frère Malou. | Photo: TC Média - Julie Lambert

La famille de Liam Défossés atteint amyotrophie spinale de type 1, ne lésine pas sur les efforts pour améliorer sa qualité de vie. Sur la photo, le papa Yan Défossés, Liam, la maman Emmanuelle Desbiens et son grand frère Malou. | Photo: TC Média - Julie Lambert

Alors qu’aucun médicament n’existe pour guérir leur enfant atteint d’amyotrophie spinale de type 1, des parents se sont tournés en désespoir de cause vers un traitement qu’ils ont fait fabriquer en Chine au coût de 60 000$ et qu’ils ont testé sur des cochons afin d’améliorer la qualité de vie de leur fils.

Liam, âgé de trois ans, est condamné à mourir depuis sa naissance en raison de cette maladie. Il a toutefois dépassé l’âge de deux ans alors que 95% des enfants atteints en décèdent.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement à sa maladie. Quelques études cliniques sont réalisées autant au Canada qu’aux États-Unis, mais peu peuvent se qualifier pour en faire partie.

Les parents du garçon, Yan Défossés et Emmanuelle Desbiens, n’ont jamais perdu espoir. « On a essayé de trouver une alternative, mais les traitements ne sont pas accessibles et les règles gouvernementales sont très strictes », explique le père.

Testé sur des porcs

Depuis janvier 2015, la famille teste un nouveau produit. Selon le père, la recette provient d’une formule trouvée sur Internet dans des recherches pharmaceutiques, sans vouloir préciser laquelle pour des questions de nature juridique.

Les parents ont tout d’abord fait des tests avec le produit dans un laboratoire aux États-Unis sur des rats génétiquement modifiés. Puisque les résultats étaient positifs, (les rats vivaient 250 jours au lieu de 13 jours sans le traitement), ils ont décidé de le fabriquer à plus grande échelle.

Pour ce faire, ils ont trouvé un laboratoire en Chine qui acceptait de le produire au coût de 60 000$. Encore une fois, il est impossible de connaître lequel, car aucun laboratoire n’a de permis pour faire des produits destinés aux humains et c’est par une connaissance que l’opération a été réalisée.

Cette somme provient en majorité de leurs poches, mais aussi de dons de familles touchées par cette maladie. Pour eux, c’était une option plus intéressante que de ne rien faire du tout.

« Cela semblait un bon filon. On l’a d’abord testé sur des cochons avec l’aide de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe avant de la donner à notre fils », souligne le papa.

Depuis quelques mois, l’état de santé de Liam s’est amélioré. Il a pris du poids et plusieurs pouces, se réjouissent les parents. « On a vu instantanément les effets sur sa santé. Le médicament a la même efficacité que l’injection et pour l’instant, il y a très peu d’effets secondaires. On suit son état de santé de près en faisant des prises de sang régulièrement. »

Abandonnés par le système

Condamné depuis sa naissance, Liam n’est suivi qu’occasionnellement par ses médecins. Ses parents, déterminés à améliorer la vie de leur fils, se tournent désespérément vers le privé pour combler ses besoins.

Les enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1, étant donné leurs chances de survie minces après deux ans, sont souvent référés aux soins palliatifs. Peu de services existent pour ceux qui atteignent l’âge de Liam.

Son suivi médical est réalisé par les pédiatres Catherine Henin de l’Hôpital pour enfants de Montréal et Sameh Kefi de l’Hôtel-Dieu de Sorel. Les deux médecins n’ont pas pu confirmer si l’état de Liam s’était effectivement amélioré puisqu’elles n’avaient pas vu ce patient depuis plusieurs mois.

Les parents ont surtout effectué leur suivi au privé. C’est une des plus grandes difficultés de la famille qui doit se battre régulièrement avec les médecins, mais aussi des organismes spécialisés afin de faire reconnaître leurs traitements et l’achat d’équipements.

Ils ont essayé un médicament expérimental en 2014, mais les coûts de l’injection, qui devaient se faire au Mexique, étaient trop dispendieux, soit 8000$ par mois sans compter les dépenses pour l’hébergement et les déplacements.

La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ne voulait pas rembourser la note de l’hôpital mexicain et les frais de déplacement sauf si deux médecins québécois décidaient d’accepter de signer un formulaire, mais aucun ne voulait le faire.

Depuis plusieurs années, la famille Défossés se dote, souvent en payant de sa poche, d’articles comme une table à station, une poussette adaptée et de petits appareils comme des adaptateurs pour allumer des appareils dans la maison.

« Tout ce que l’on fait est important. Ce que l’on veut, c’est lui donner des chances pour plus tard. On ne se décourage pas et on essaie d’y aller une étape à la fois », se désole le père, Yan Défossés.

« La famille avait une urgence d’agir » – l’agronome Mélanie Latulippe

Une équipe formée de plusieurs spécialistes a accompagné les parents dans l’expérimentation du traitement donné à Liam depuis février dernier. Si c’était une première expérience enrichissante, l’agronome au projet, Mélanie Latulippe, émet des réserves sur les résultats positifs du traitement.

Le père de Liam, Yan Défossés, est entré en contact avec la professeure de l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe en janvier 2015. Il cherchait un endroit pour faire des tests sur des porcs. L’école est spécialisée dans le domaine, mais sa mission première n’est pas de faire de la recherche, explique Mme Latulippe.

Le père tentait de trouver une façon d’injecter la molécule, en état de poudre, d’une autre façon que par la moelle épinière de son fils. Il voulait voir si la molécule pouvait se diluer et s’injecter au niveau des intestins.

Avec l’aide de deux vétérinaires, Jean-Marc Guillemet et Christian Klopfenstein, et d’un toxicologue de l’Université de Montréal, Jérôme Del Castillo, l’agronome a monté un protocole qui a été approuvé par la direction de l’établissement.

Tout s’est fait rapidement, souligne Mme Latulippe. Après l’approbation, une période de tests de six semaines a été réalisée. Un laps de temps très court, soutient-elle, pour tester un traitement. Difficile d’évaluer s’il est efficace sans conséquence sur l’humain sur une période aussi courte, évalue-t-elle.

« Il est difficile d’extrapoler sur les impacts ou les conséquences de l’injection du traitement sur une longue période. Après les tests, les cochons ont été euthanasiés et les organes ont été analysés. Nous avons surtout servi de support puisque tout était fourni par les parents et que c’était une démarche personnelle. »

L’ITA a fait signer une décharge aux parents afin de se déresponsabiliser des conséquences pouvant résulter de ces tests.

Dès le début, les spécialistes connaissaient les motifs de M. Défossés, souligne-t-elle. Elle croit qu’il est mieux d’attendre que les médicaments soient approuvés par Santé Canada, mais ce délai, qui peut aller jusqu’à cinq ans, peut paraître long pour les parents, convient-elle.

« J’ai essayé de me détacher de la situation puisque c’était impliquant émotionnellement. C’était dur de savoir que ces tests pouvaient avoir des conséquences sur la vie, la survie ou la qualité de vie de Liam. Les tests ont été réalisés pour un cas en particulier. M. Défossés avait une urgence d’agir. On le sentait, mais nous n’étions là que pour aider », conclut-elle.

La lenteur des recherches exaspère plusieurs familles

La lenteur de l’évolution des recherches sur l’amyotrophie spinale, surtout celle de type 1, exaspère plusieurs parents d’enfants malades qui se tournent vers des traitements dont les effets sont loin d’être prouvés.

Selon la porte-parole de l’organisme Dystrophie musculaire Canada, Pascale Rousseau, il est très difficile de chiffrer le nombre d’enfants atteints de cette maladie rare, car elle n’est pas à déclaration obligatoire.

Depuis plusieurs années, les recherches ont permis de presque doubler l’espérance de vie des personnes atteintes, même dans la forme la plus grave, soit l’amyotrophie spinale de type 1.

« Actuellement, il y a des recherches à l’Hôpital de Montréal pour enfants, mais il n’y a pas de médicaments ou de traitement thérapeutique pour cette maladie. »

Cet état des faits déplaît à plusieurs parents alors qu’une épée de Damoclès flotte au-dessus de la tête de leur enfant malade, explique-t-elle. Ce qui implique que quelques familles, comme celle de Liam, tentent diverses approches non validées pour leurs enfants.

Son organisme ne recommande aucun traitement ni médicament et ne donne que des informations sur les recherches en cours dans le monde sur son site Internet, puisque le choix revient aux parents.

« Peu de parents se dirigent dans la même voie que ceux de cette famille, surtout par manque de fonds. Pour les parents, c’est long et compliqué d’attendre quand ils savent que leur enfant va mourir. On leur recommande d’être prudents et patients. Les recherches, c’est de l’espoir pour les parents », conclut-elle.

Qu’est-ce que l’amyotrophie spinale?

On donne le nom d’amyotrophie spinale (AS) à un groupe de maladies génétiques héréditaires caractérisées par la faiblesse musculaire. Elle s’attaque aux cellules nerveuses (appelées neurones moteurs ou motoneurones) qui contrôlent les muscles volontaires et entraînent leur destruction. On distingue quatre types d’AS.

L’amyotrophie spinale est une maladie rare qui touche environ 1 naissance vivante sur 6000. Environ 1 personne sur 40 est porteuse génétique de la maladie, c’est-à-dire qu’elle porte le gène mutant sans toutefois être atteinte de la maladie.

Source: Dystrophie musculaire Canada

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