14 juin 2016 - 00:00
L’église Saint-Thomas de Pierreville sur le point de disparaître
Par: Deux Rives
L’église de Pierreville ne sera qu’un souvenir dans quelques jours. | Photo: TC Media – Pascal Cournoyer

L’église de Pierreville ne sera qu’un souvenir dans quelques jours. | Photo: TC Media – Pascal Cournoyer

Le chantier de démolition de l’église Saint-Thomas tire à sa fin et il ne restera bientôt que des souvenirs du bâtiment qui était à l’entrée du village de Pierreville depuis plus de 160 ans.

Le clocher n’a finalement pas été conservé puisqu’il était jugé trop endommagé pour être remis sur un socle et aucun endroit n’avait été trouvé pour l’entreposer, un peu comme celui du Monastère des Sœurs du Précieux-Sang près du Musée des religions du monde. Le clocher de l’église Saint-Thomas était toutefois beaucoup plus imposant.

Les immenses cloches (la plus grosse pèserait 800 livres) devraient quant à elles être conservées et installées sur une structure en trépied, possiblement au cimetière. D’autres éléments de l’église seront aussi conservés, dont la statue de Saint-Thomas et le cadran solaire qui sont situés dans la façade, et la Rose des vents, qui servait de paratonnerre, à l’arrière de l’église.

Une attention particulière devra aussi être accordée au bas de la façade, du côté gauche, car une pierre angulaire pourrait s’y trouver. On souhaite évidemment conserver la pierre et son contenu puisque des documents et des vestiges de l’époque de sa construction pourraient s’y trouver.

Patrimoine en péril?

Le chantier de démolition s’est amorcé dans la controverse à la suite de la parution d’un article du Devoir relatant que la Municipalité avait pris la décision de démolir sans avoir demandé de soutien financier.

Malheureusement, la valeur patrimoniale de l’église Saint-Tomas avait était évaluée comme étant «Faible» par l’Inventaire des lieux de culte du Québec, étant ainsi classée E dans la hiérarchisation régionale.

De l’autre côté de la rivière, l’église Saint-François-Xavier, à Saint-François-du-Lac, est quant à elle considérée comme «Incontournable» et classée A.

« Le gouvernement finance les églises classées A et B, et parfois ils vont aller jusqu’à C. Nous n’aurions rien eu avec une église classée E », rétorque le maire de Pierreville, André Descôteaux.

L’affaire a d’ailleurs rebondi à l’Assemblée nationale, alors que Véronique Hivon du Parti Québécois a déploré la destruction d’un édifice marquant dans le paysage de la région et réclamé un recensement du patrimoine religieux en péril.

Un dossier loin d’être réglé

La démolition de l’église a suscité bien des réactions au cours de la dernière semaine, et le conseil municipal ne semble pas au bout de ses peines dans cette saga.

On se souviendra que le conseil avait tenté de sauver le bâtiment en s’en portant acquéreur, en 2009, mais les différents projets pour sa reconversion ont finalement achoppé.

Un premier projet avait avorté, en 2012, quand le conseil de l’époque avait finalement fait volte-face concernant l’aménagement d’une bibliothèque, renonçant à une subvention de 260 000$ du ministère de la Culture.

Le tout avait ensuite fait l’objet d’une grande consultation, en septembre 2014, alors que les frais d’entretien et de chauffage de l’église de plus de 30 000$ par année étaient devenus un fardeau financier pour les contribuables.

L’hiver dernier, le projet de la Coop Santé Shooner-Jauvin d’y aménager une clinique médicale a aussi été abandonné à la suite du départ de deux médecins. Celui-ci avait été accepté par le conseil devant trois autres projets présentés, mais qui n’avaient pas de financement concret.

Le conseil a ensuite pris la décision de démolir après la visite d’une firme d’architectes qui estimaient à près de 835 000$ les coûts pour solidifier la bâtisse si les travaux étaient faits en urgence, puisqu’ils avaient observé plusieurs fissures, un mur de soutènement abîmé et une cheminée en mauvais état.

De l’intérêt pour le terrain

Au cours des dernières semaines, la société Yves Houle s’est montrée intéressée à y construire un impressionnant complexe funéraire qui prendrait beaucoup plus de place que l’église et la sacristie. Le projet, évalué à plus d’un million $, comprendrait une chapelle, deux salles familiales, un garage pour les véhicules, une salle de réception et un columbarium.

Une entente pour la vente du terrain a même été conclue, pour un montant de 122 000$, soit le même que celui de l’évaluation municipale.

Le tout est toutefois conditionnel à l’acceptation du changement de zonage. Une condition qui rencontre déjà de l’opposition, alors que la Municipalité a reçu suffisamment de lettres pour tenir une signature de registre.

Cette étape doit avoir lieu le 20 juin prochain. Si suffisamment de gens vont signer le registre, un référendum devra être tenu parmi les résidents des zones entourant l’église.

Le terrain qui sera libéré suscite aussi de l’intérêt du côté des Abénakis, puisque cette parcelle ferait partie d’un dossier devant le tribunal des revendications territoriales. Puisqu’à l’époque de la construction de l’église, le seigneur Crevier se l’était approprié sans que les Abénakis ne lui cèdent ou soit conquis.

Un coup d’éclat de Jacques T. Watso sur les réseaux sociaux, devant l’église en démolition, a d’ailleurs été repris par les chaînes de télévision d’information en continu. L’ex-conseiller et candidat à la chefferie fait valoir que son ancêtre, Samuel Watso, avait donné le terrain à l’abbé Moreau, «pour une église, rien d’autre» et qu’il devrait ainsi retourner à Odanak.

Il a ensuite nuancé ses propos, en diffusant une seconde vidéo, dans laquelle il souligne qu’un dossier doit être monté et présenté devant le ministère de la Justice, puisqu’on ne peut pas déposséder une tierce partie.

image
image