5 avril 2016 - 00:00
Le suicide rôde toujours dans la région
Par: Louise Grégoire-Racicot
Le suicide chez les femmes est plus élevé dans la région qu’ailleurs, selon le centre La Traversée. | Photo: : Depositphotos

Le suicide chez les femmes est plus élevé dans la région qu’ailleurs, selon le centre La Traversée. | Photo: : Depositphotos

Même si le nombre de suicides est en décroissance depuis une dizaine d’années au Québec, il hante encore la MRC de Pierre-De Saurel. Les femmes en particulier.

C’est ce que confirment Pierre Mandeville, président du conseil d’administration de La Traversée, centre de prévention du suicide (CPS) Pierre-De Saurel et l’intervenante clinicienne coordonnatrice, Marie-Claude Lacasse.

Une situation atypique, remarque cette dernière. Plus d’hommes se sont suicidés au cours des dernières années ici, mais le nombre de femmes suicidaires a augmenté plus rapidement, spécifie-t-elle.

Même si elle ne livre pas de données précises, Mme Lacasse révèle que celles enregistrées dans la région sont au-dessus de la moyenne nationale. « Qu’est-ce qui se passe avec nos femmes? Il est essentiel de comprendre la situation pour mieux intervenir. »

C’est d’ailleurs pourquoi La Traversée a demandé aux chercheurs du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE), de l’UQÀM, de scruter les données épidémiologiques recueillies dans la région à cet effet.

Le nombre de suicides a continué de progresser, même si de 2004 à 2006, il était passé de neuf par année à six en 2010-2012.

« Alors qu’on enregistrait trois suicides chez les femmes et cinq chez les hommes, on atteint aujourd’hui sept à huit chez les femmes alors que le nombre chez les hommes reste stable », dit M. Mandeville.

Hausse exponentielle des interventions

La Traversée ne travaille pas qu’avec les personnes aux idées suicidaires, précise M. Mandeville. Elle accompagne des gens dans les périodes plus sombres de leur vie.

Les besoins sont nombreux, poursuit Mme Lacasse. Son service téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, que des gens utilisent pour eux-mêmes ou pour une proche, a reçu quelque 800 appels par mois depuis l’automne 2014. Le nombre d’appels avait pourtant tendance à décroître alors qu’on enregistrait 400 appels par mois en 2013, puis 350 au début de 2014.

« Nous sommes un centre de crise où les gens peuvent appeler à l’aide non seulement quand ils ont des idées suicidaires, mais quand ils traversent des moments difficiles, comme la perte d’un être cher ou d’un emploi, une maladie ou une séparation. Des situations qui déstabilisent leur équilibre. » Des moments où on perd de vue l’espoir, renchérit M. Mandeville.

Au centre, ceux qui sollicitent La Traversée sont reçus à l’intérieur de 72 heures après leur appel, avance Mme Lacasse. On les héberge au besoin après avoir évalué leur situation. Une équipe de dix intervenants professionnels peut les accompagner.

« Nous cherchons toujours à les aider et à soulager leur souffrance avant qu’elle ne devienne une crise suicidaire », explique Mme Lacasse.

Ainsi le centre travaille en amont et en aval. En prévention et en postvention. Il dispense des formations à des sentinelles ou à des professionnels de la santé et à des policiers. Il intervient auprès de personnes endeuillées par le suicide ou auprès des proches d’une personne en détresse.

À l’affut de ceux qui souffrent en silence

Quelque 200 sentinelles formées par Centre de prévention du suicide Pierre-De Saurel ouvrent l’œil, tendent l’oreille pour noter dans leur milieu respectif ceux et celles qui nourriraient des idées suicidaires ou tout simplement qui traversent une période de souffrance difficile.

« Les sentinelles sont des gens de première ligne qui sentent quand un collègue, un parent ou un ami ne va pas bien. Il est normal de vivre une dépression quand on traverse un deuil ou une perte, mais il n’est pas normal que la détresse s’installe », dit Pierre Mandeville, président du conseil d’administration de La Traversée..

Certains peuvent être conscients de la détresse qu’ils vivent mais n’ont pas le réflexe d’appeler à l’aide quand ils sentent que tout dérape, poursuit-il.

Ces sentinelles ont reçu une formation de sept heures qui leur permet de déceler quelqu’un qui traverse des difficultés qu’elle ne partage pas nécessairement.

Elles sont outillées pour repérer les signes de détresse même les plus discrets. Elles sont en mesure d’initier un dialogue avec cette personne pour l’inciter à chercher de l’aide, connaissent les questions à poser, les réponses à décoder. Ou encore, elles peuvent signaler elles-mêmes aux intervenants de La Traversée ce qu’elles observent.

Plusieurs organisations de la région comptent des sentinelles. C’est le cas au Cégep de Sorel-Tracy, dans des industries et autres milieux de travail. La Ville de Sorel-Tracy a emboité le pas: chaque service a désormais la sienne.

Mais, de rappeler M. Mandeville, il n’y a pas de bons ou de mauvais moments pour appeler à l’aide. « À La Traversée, il y aura toujours des gens pour répondre sans juger. Tous les appels sont confidentiels. Les gens ne doivent pas avoir honte d’appeler à l’aide. Il n’y a pas de gêne à dire: je ne sais plus quoi faire. Il ne faut pas être mal à l’aise d’entendre quelqu’un dire: je n’en peux plus mais lui proposer d’aller chercher de l’aide, d’appeler La Traversée au besoin. »

Le centre est situé au 120 chemin Ste-Anne à Sorel-Tracy. Pour appeler à l’aide, composer le (450) 746-0303 ou le 1-866-277-3553.

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