30 juin 2016 - 00:00
La rainette faux-grillon suscite aussi l’attention à Contrecœur
Par: Louise Grégoire-Racicot
La grenouille rainette faux-grillon a aussi des habitats à Contrecœur. | Photo: TC Média - archives

La grenouille rainette faux-grillon a aussi des habitats à Contrecœur. | Photo: TC Média - archives

Le décret d’urgence émis par Environnement Canada visant la protection de la rainette faux-grillon et son habitat du bois de la Commune, à La Prairie a suscité son lot de commentaires. À Contrecœur, le pôle logistique pourrait-il en être affecté?

Il y a une dizaine d’années qu’on sait en avoir une petite population dans la municipalité, confie le directeur général de la Ville de Contrecœur, François Handfield. Dans un petit secteur du parc industriel où un projet du pôle logistique pourrait s’installer, dit-il. On n’en sait rien pour le moment, poursuit-il.

« Si jamais on voulait y réaliser un projet, il nous faudrait alors inventorier le secteur, caractériser le milieu et présenter le tout au ministère qui définira alors ses exigences pour protéger l’habitat dont on devra tenir compte par la suite dans la réalisation du projet. Mais pour le moment, nous n’avons aucun projet sur la planche à dessin dans ce secteur. »

Il se réjouit cependant que Québec et Ottawa pensent à créer un comité de coordination, ce qui éviterait à l’avenir des imbroglios comme celui de La Prairie de se produire. Québec avait alors accepté le développement d’un projet immobilier, puis le fédéral l’a interrompu abruptement au nom de la protection de l’espèce.

« On ira projet par projet de façon intelligente en tenant compte des enjeux environnementaux auxquels nous sommes sensibles », conclut M. Handfield.

Au moment d’aller sous presse, Environnement et Changement climatique Canada ne nous avait pas spécifié l’importance de cet habitat à Contrecœur.

Le Port de Montréal ouvre l’œil

Le Port de Montréal n’entrevoit pas de perte d’habitat essentiel de la rainette faux-grillon dans le développement futur d’un terminal à conteneurs sur ses terrains de Contrecœur, explique sa porte-parole, Mélanie Nadeau.

« Nous sommes depuis plus de six mois engagés dans le processus de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE). Nous avons déposé notre description de projet à l’ACÉE en décembre dernier, puis avons reçu les lignes directrices de la part de cette dernière pour la réalisation de notre étude d’impact. »

Lancée sous peu, cette étude sera en cours pendant tout le reste de l’année 2016.

Rappelons que le projet du Port de Montréal comprend l’aménagement d’un terminal portuaire à conteneurs d’une capacité annuelle maximale de 1,15 million de conteneurs sur sa propriété. S’y ajouteront la construction d’un quai de 675 mètres avec deux postes d’amarrage, l’aménagement d’une gare ferroviaire de triage de sept voies, d’une aire d’entreposage et de manutention des conteneurs, d’une cour ferroviaire intermodale, de bâtiments de support, d’accès ferroviaires et routiers, d’une aire de contrôle des camions et d’un viaduc sur la route 132.

« Dans le développement de notre projet, nous avons tenu compte des zones de présence de la rainette faux-grillon. Nous avons toujours eu bien en vue l’enjeu que représente la présence de rainettes faux-grillon (et de son habitat) sur notre terrain de Contrecœur. Nous nous faisons un devoir de recenser et cartographier régulièrement les zones d’habitats de différentes espèces, incluant la rainette faux-grillon. »

De fait, le Port de Montréal a réalisé des inventaires pour mieux recenser et cartographier la présence de rainettes faux-grillon en 2005, 2012, 2014 et 2016, énumère-t-elle.

Rappelons qu’une autre espèce menacée, le chevalier cuivré, pose au port, le défi de lui développer un nouvel habitat.

Une très petite grenouille

La rainette faux-grillon est la plus petite grenouille vivant au Québec. Elle mesure de 2,1 à 3,7 cm, fréquente les milieux humides peu profonds (étangs, fossés, clairières inondées) où elle se reproduit. Elle aide à réguler les populations d’insectes. Elle agit également comme une source importante de nourriture pour ses prédateurs.

Les chercheurs disent qu’elle aurait perdu 90% de son aire de répartition historique depuis 1950.

Au printemps 2000, elle a été officiellement désignée espèce vulnérable en vertu de la Loi canadienne sur les espèces menacées ou vulnérables. En 2001, le Québec en faisait autant.

Protéger les milieux naturels

« Je n’en peux plus d’entendre dire: on arrêterait tel projet seulement pour quelques grenouilles », s’exclame la biologiste Anne-Marie Dulude, du Biophare.

Pour elle, comme dans le cas de la rainette faux-grillon, on parle de la disparition de toute une espèce.

« Il se forme alors un trou dans la chaine alimentaire. On lui enlève un maillon, ce qui en affecte plus d’une. On est de plus en plus en face de disparition d’espèces à vitesse grand V, parce que leurs habitats se détériorent, souvent à cause d’activités humaines. »

Il faut réagir, lance-t-elle. Avoir une vision plus large que le présent. Choisir ses projets en conséquence. Ne pas toujours placer le développement économique au premier rang. Chercher l’alternative. Protéger les milieux naturels.

Protéger les habitats, c’est aussi, énumère-t-elle, ne pas laisser les espèces envahissantes s’établir, les milieux naturels se dénaturer.

« Pourtant, on ne manque pas d’espace pour développer ce que l’on veut. Pourquoi choisir des milieux naturels, sources de vie? »

Elle déplore que les humains ne voient pas toujours ces enjeux. « Ils semblent ignorer qu’un milieu naturel a sa propre dynamique de vie. Ils préfèrent voir un parc urbain plus qu’une forêt naturelle dont l’arbre mort nourrit autre chose. Quand une espèce disparait d’un milieu naturel, d’autres disparaitront par la suite. Le développement ne doit pas se faire au détriment de la biodiversité », conclut-elle.

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