18 septembre 2015 - 00:00
Jumelles accusées d’agressions sexuelles sur un enfant
Par: Julie Lambert
Les jumelles Lamarche, Mélissa et Annick, resteront en prison en attendant la suite des procédures judiciaires. | Photo: Julie Lambert

Les jumelles Lamarche, Mélissa et Annick, resteront en prison en attendant la suite des procédures judiciaires. | Photo: Julie Lambert

Les jumelles Mélissa et Annick Lamarche font face à des accusations de voies de fait et d’agressions sexuelles sur un enfant. Elles demeureront incarcérées, a tranché le juge Pierre Bélisle après leur enquête sur remise en liberté qui a eu lieu le 11 septembre au palais de justice de Sorel-Tracy.

Âgées de 34 ans, elles ont été arrêtées le 12 août dernier par les policiers et ont comparu sous 11 chefs d’accusation.

Selon les faits présentés par un enquêteur de la Sûreté du Québec au juge Pierre Bélisle, le 11 septembre dernier, les gestes auraient été commis entre août 2004 et juin 2008. L’enfant aurait été rencontré par des enquêteurs en 2008 après qu’une personne de son entourage ait déposé une plainte, ayant entendu des propos inquiétants de la présumée victime.

Lors de son premier témoignage à l’époque, la victime alléguée avait raconté que Mélissa Lamarche lui avait fait et demandé de poser des gestes de nature sexuelle en pointant ses parties génitales.

L’enquêteur a continué en disant que l’enfant, en 2008, avait aussi avoué dans une vidéo avoir déjà été conduit derrière une église de Sorel-Tracy par Mme Lamarche. Mélissa Lamarche aurait reçu de l’argent pour qu’un homme qu’elle appelait « l’homme grenouille » agresse l’enfant, caché derrière une remorque.

La sœur jumelle, Annick Lamarche, venait ensuite chercher l’enfant. Annick Lamarche aurait également été témoin des agressions physiques et sexuelles, selon les informations de la police.

Lors de l’enquête, les policiers avaient récupéré des dossiers médicaux. Dans ces dossiers, un médecin indiquait que l’enfant pourrait avoir vécu un traumatisme puisqu’il montrait beaucoup de signes d’anxiété et faisait de l’eczéma. Il l’avait référé à un psychologue pour ce problème.

Des accusations tardives

Malgré un début d’enquête à cette époque, aucune accusation n’avait été portée. Au printemps dernier, une nouvelle plainte a été déposée par la présumée victime.

Selon l’enquêteur, l’ensemble des faits a été rapporté dans une deuxième vidéo presque mot pour mot par l’enfant plusieurs années plus tard, au printemps dernier. Des événements récents, notamment le harcèlement des accusées, l’auraient poussé à déposer cette nouvelle plainte.

Pendant le témoignage de l’enquêteur de la SQ le 11 septembre dernier, les jumelles étaient toutes les deux dans le box des accusés et le regardaient sans broncher. L’enquêteur a souligné que lors de leur arrestation, ces dernières avaient nié les faits.

Référant aux vidéos des interrogatoires, le policier mentionne qu’on peut y voir Mélissa Lamarche faire le geste de s’essuyer les fesses avec la transcription du témoignage de la victime et sa sœur, Annick, crier « pauvre aurore l’enfant martyr ». Le policier a aussi mentionné que les jumelles étaient très agitées et criaient une à l’autre à travers les deux salles.

Selon l’enquête, les sœurs Lamarche ont donné des explications à chacune des accusations en minimisant les faits reprochés.

Les avocats d’Annick et Mélissa Lamarche, Me Réal Quintal et Me Luc Forcier, ont ensuite interrogé le policier. Ils ont demandé des précisions sur certains éléments de l’enquête, notamment quant à ce qui pourrait expliquer le temps écoulé entre les deux plaintes et quant à savoir si, dans le dossier médical, il était vraiment indiqué que l’enfant avait été victime d’agressions sexuelles.

Le policier a répondu que le médecin n’a pu confirmer dans le dossier médical qu’il y a eu une agression sexuelle, mais qu’en raison du traumatisme, l’enfant souffrait d’anxiété.

Une longue feuille de route en antécédents judiciaires

Mélissa Lamarche n’en est pas à ses premiers démêlés devant les tribunaux. Elle a déjà plaidé coupable pour des gestes à caractère sexuel sur un adolescent survenus en 2008. La feuille de route judiciaire des sœurs est un des facteurs qui a été débattu devant le juge Pierre Bélisle lors de leur enquête sur remise en liberté.

Dans leur témoignage, toutes deux ont avoué avoir été victimes d’agressions sexuelles dans leur enfance. Elles ont aussi mentionné avoir consommé pendant plusieurs années, mais elles ont affirmé au juge Bélisle avoir arrêté par elles-mêmes depuis plusieurs semaines.

La Couronne représentée par Me Geneviève Beaudin s’est objectée à la remise en liberté des deux sœurs en raison de leurs antécédents judiciaires et de la gravité des gestes reprochés.

Mélissa Lamarche a déjà plaidé coupable à des accusations de possession de stupéfiants en 2012 et 2015 ainsi que d’avoir touché, à des fins d’ordre sexuel, un adolescent et incité ce dernier à la toucher en 2008.

Me Beaudin a également souligné que plusieurs autres causes impliquant les jumelles étaient devant la cour en ce moment. Les sœurs Lamarche font aussi face à des accusations de fraude et de harcèlement, notamment.

Selon l’avocate de la Couronne, les jumelles ne travaillent pas depuis plusieurs années, vivent de l’aide sociale et résident dans un ancien motel changé en chambres à louer. Elles souffriraient de problème de consommation selon leurs propres aveux, et ingurgitent des méthamphétamines depuis longtemps, a décrit Me Beaudin.

« Elles habitent dans un endroit connu par le milieu policier comme une place où des événements se produisent régulièrement. On pourrait dire que les jumelles sont en symbiose, même dans le crime. Elles semblent vouloir se protéger à la vie, à la mort. Elles n’ont jamais nié les faits, mais surtout donné des explications illogiques », a-t-elle dit au juge Bélisle.

En symbiose partout

Les deux sœurs Lamarche ont témoigné lors de l’enquête sur remise en liberté.

« J’ai arrêté de consommer et ça été très dur, a dit devant la cour Annick Lamarche. J’ai toujours fait ce que la cour m’a demandé quand elle m’a imposé des conditions. »

Cette dernière a aussi confié souffrir de schizophrénie, mais ne pas prendre de médicaments.

Sa sœur Mélissa Lamarche a souligné qu’elle suivait également ses conditions de remise en liberté comme de ne pas communiquer avec sa jumelle, ce qu’elle trouvait très difficile.

« S’il faut rentrer à une certaine heure et demeurer à la même place, j’en suis capable. J’ai compris que je ne devais pas avoir de contacts avec ma sœur. Je n’ai pas triché, je le jure sur la tête de ma mère », a-t-elle souligné après que l’avocate de la Couronne a montré des documents montrant que les deux sœurs auraient signé le registre de police, une condition, aux mêmes heures dans les derniers mois.

Les jumelles se disaient prêtes à payer la caution tout comme leurs conjointes, Manon Goulet et Katie Pouliot Lafontaine, venues les soutenir. Lors de leur témoignage, les deux femmes ont affirmé pouvoir aider chacune des jumelles à respecter leurs conditions et à mettre également une caution en garantie.

Remise en liberté suggérée

Selon l’avocat d’Annick Lamarche, Me Réal Quintal, les faits reprochés concernent surtout sa sœur jumelle : « La preuve vise en majorité Mélissa Lamarche. À part aller à l’église pour chercher l’enfant, je ne vois rien d’autre dans la preuve contre ma cliente. Je pense qu’on peut la remettre en liberté », a-t-il plaidé.

L’avocat de Mélissa Lamarche, Me Luc Forcier, a plaidé au juge que les évènements reprochés n’exigeaient pas que l’on garde sa cliente derrière les barreaux le temps des procédures judiciaires.

« Le juge ne doit pas décider de la culpabilité des deux sœurs aujourd’hui. Oui, les accusations sont sérieuses, mais la plainte arrive tout d’un coup alors que les relations avec la victime ne sont pas au beau fixe. À ce stade-ci, l’administration de la justice ne serait pas déconsidérée par le public si Mme Lamarche était remise en liberté. Des juges ont remis en liberté des gens ayant des accusations bien plus graves », a-t-il affirmé.

Des témoignages peu convaincants, dit le juge

Le juge Bélisle a penché du côté de la Couronne et remis en doute la crédibilité des deux accusées. Il dit trouver invraisemblable que des consommatrices de stupéfiants puissent avoir arrêté de consommer sans aide extérieure.

« Vous n’avez pas respecté vos conditions de remise en liberté, vous vivez dans un milieu de consommation et vous dites avoir arrêté la drogue. J’ai de très gros doutes que ce que vous me dites est vrai », a dit le juge.

Il a décidé que les jumelles demeureraient incarcérées pour la suite des procédures judiciaires en raison des probabilités très élevées de condamnation, en raison aussi de leurs antécédents et des causes pendantes. Les sœurs Lamarche seront de retour devant la cour le 30 septembre.

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