3 août 2021 - 14:00
Érosion des berges du Saint-Laurent
Des géographes s’intéressent à Sainte-Anne-de-Sorel
Par: Katy Desrosiers

Un drone a été utilisé par les chercheurs pour produire des modèles numériques haute résolution du sol. Photo Michel Péloquin

Deux géographes liés à l’Université Laval ont installé des caméras sophistiquées à Sainte-Anne-de-Sorel à des endroits stratégiques afin de constater des mécanismes d’érosion des berges du fleuve. Pendant trois ans, des photos seront captées pour une étude.

Le maire de Sainte-Anne-de-Sorel, Michel Péloquin, a été contacté au printemps pour participer à ce projet. Il a tout de suite accepté.

Deux emplacements ont été choisis à Sainte-Anne-de-Sorel. Le premier est l’Île des Barques, le long de la voie maritime et le second est le Grand Chenal, soit le côté nord de l’Île de Grâce.

Lors de leur première visite, les chercheurs ont installé les caméras qui prendront des clichés aux 20 minutes pendant trois ans. La date, l’heure et la température seront inscrites sur chaque photo.

Au bout de trois ans, les clichés seront comparés pour mieux comprendre les causes de l’érosion.

Lors d’une seconde visite avec un drone, les chercheurs ont, entre autres, procédé à la création de modèles numériques de surface à haute résolution.

Pour le secteur de l’Archipel du lac Saint-Pierre, l’enjeu est de mieux comprendre l’impact de l’établissement de la voie navigable sur l’archipel, plus précisément les perturbations engendrées par le découpage, les déviations de courant et la gestion des niveaux d’eau.

Le maire de Sainte-Anne-de-Sorel explique que les endroits plus fragiles des îles avaient été identifiés dans les années 80 et aujourd’hui, ces endroits font toujours partie des zones fragilisées.

M. Péloquin a déjà des hypothèses sur l’érosion. Selon lui, la cause principale est le changement d’orientation du courant au début des années 30.

Jusqu’en 1931, 85 % du débit de l’eau du fleuve passait au nord de l’Île de Grâce et 15 % passait au sud, où se trouve aujourd’hui la voie maritime. Quand des barrages ont été construits, la dynamique a été inversée et maintenant, 75 % du débit passe au sud de l’Île contre 25 % au nord.

Il note aussi un gros problème d’érosion à l’Île des Barques, qui a été coupée dans les années 50 pour élargir la voie maritime. Il affirme que le talus restant est extrêmement fragile et recule continuellement.

Une seule solution

Le maire déplore qu’à peu près rien ne soit fait pour protéger l’érosion.

« Ce qu’on vit, c’est un cancer. Ce qu’on a perdu juste depuis 30 ans, si ça s’était fait dans l’espace d’une nuit ou d’une journée, ce serait considéré comme une catastrophe épouvantable. Ce qui est regrettable aussi, c’est qu’avec les règles actuelles du ministère de l’Environnement, il est extrêmement difficile pour qui que ce soit d’intervenir et de prendre des moyens pour protéger les îles contre l’érosion », avance-t-il.

Des tentatives liées au génie végétal ont déjà été tentées dans le passé.

« C’est la théorie que les arbres protègent les berges, mais à deux occasions, malgré des centaines de milliers de dollars investis chaque fois, ç’a été un échec complet. Le courant dans le fleuve, ce n’est pas comme une rivière tranquille, le courant est tellement fort », relate-t-il.

Il nomme comme exemple l’entrée du Chenal aux Corbeaux où des arbres avaient été plantés. En deux ans, tout était parti avec le courant. M. Péloquin croit qu’il n’y a qu’une solution.

« C’est un mélange d’empierrement et de végétalisation, note-t-il. D’ailleurs, des expériences ont été faites dans le passé dans le Grand Chenal, au nord de l’Île de Grâce et ça réussit très bien. Mais il semble qu’au ministère de l’Environnement, on est allergique à cette façon de faire. »

Michel Péloquin espère que cette étude mettra plus de pression afin que l’érosion soit considérée comme une situation préoccupante, mais il remarque qu’il est difficile de sensibiliser des gens qui ne vivent pas sur les lieux.

Un programme de suivi de l’érosion des berges

Ce projet de Programme de suivi de l’érosion des berges de huit sites prioritaires du tronçon fluvial du fleuve Saint-Laurent est réalisé sous la supervision du professeur titulaire au département de Géographie de l’Université Laval. Le professionnel de recherche Jean-François Bernier coordonne la majorité du projet et s’occupe des sorties le long du fleuve. Il est accompagné pour la plupart d’entre elles par l’étudiant et candidat à la maîtrise en sciences géographiques, Sydney Meury.

L’équipe compte aussi le professionnel de recherche Léo Chassiot.

Ce projet viendra répondre en partie au manque de connaissances scientifiques sur l’évolution hydrosédimentaire d’un fleuve fortement modifié par l’humain et affecté par des glaces saisonnières, tout en essayant d’intégrer le rôle des changements climatiques.

Les chercheurs prévoient la mise en place d’applications web pour rendre facilement accessibles les résultats produits par le laboratoire, et ce, afin d’encourager une gestion intégrée de cet aléa.

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