10 février 2020 - 19:44
Adoption sous bâillon du projet de Loi 40
« C’est d’une arrogance inqualifiable » – Sylvie Labelle
Par: Katy Desrosiers

La Loi 40, adoptée sous bâillon, transforme les commissions scolaires en centres de service. Photothèque | Les 2 Rives ©

Le projet de Loi 40, modifiant la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires, a été adopté sous bâillon dans la nuit du 7 au 8 février. Cette action, posée par la Coalition avenir Québec, ne fait pas l’unanimité.

La Loi 40 amène entre autres la transformation des commissions scolaires en centres de service, abolit les élections scolaires et permet à la direction des écoles, après consultations avec l’enseignant, de majorer la note d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire.

« Je pense qu’imposer un bâillon, c’est imposer les idées du ministre sans aucune démocratie, et ça, c’est un triste jour. […] C’est aussi un projet qui devait revoir les structures scolaires et non porter atteinte à l’autonomie du personnel de l’éducation », souligne la présidente du Syndicat de l’Enseignement du Bas-Richelieu, Lisette Trépanier.

Elle explique que la nouvelle loi donnera beaucoup de pouvoir au ministère, aux directions des écoles et aux nouveaux conseils d’administration qui vont remplacer les commissaires. « Il faut retenir que les professionnels de l’éducation, c’est les enseignants et tous leurs collègues du milieu. Ce n’est pas les gens de l’extérieur qui peuvent juger, je pense, les formations ou les pédagogies dans les classes », ajoute celle qui croit que les enseignants auraient dû être davantage consultés.

Présidente de la Commission scolaire de Sorel-Tracy jusqu’à cette fin de semaine, Sylvie Labelle ne s’explique pas ce qui s’est passé dans les derniers jours. « On a su qu’on finissait tout de suite quand ç’a été adopté à trois heures du matin et non le 29 février. Comme respect, on peut repasser. C’est d’une arrogance inqualifiable à mon sens », lance-t-elle.

L’ancienne présidente ne croit pas non plus que les Québécois voulaient ces changements, même si la CAQ a prétendu le contraire en raison du score obtenu aux dernières élections.

« Quand ils ont dit qu’ils devraient y avoir un bâillon vendredi, en 18 heures, le premier ministre et le ministre de l’Éducation ont reçu des lettres de 30 comités de parents qui représentent 62 % des élèves de la province pour demander de retirer la possibilité de bâillon », souligne Mme Labelle, qui assure que les gens du milieu, liés au quotidien à l’éducation, étaient tous contre le projet.

Un bâillon inévitable?

Le député de Richelieu et adjoint au ministre de l’Éducation, Jean-Bernard Émond, affirme que le gouvernement aurait aimé que les choses se passent autrement, mais que dans les circonstances, il était nécessaire de procéder ainsi. Il souligne que les partis de l’opposition, particulièrement le Parti libéral, ont fait de l’obstruction systématique, et que des dizaines d’heures ont été perdues à discuter de détails comme des changements de noms.

Selon lui, le projet de loi était souhaité depuis longtemps par la population. Il affirme que la CAQ a toujours présenté sa volonté de modifier la gouvernance scolaire.

Il ajoute que le gouvernement a été à l’écoute des différents intervenants et a apporté plusieurs amendements à la Loi. Par exemple, les conseils d’administration des centres de service seront composés de cinq parents, cinq personnes issues du milieu de l’enseignement et de cinq personnes de la communauté, alors qu’initialement, la composition était différente.

« Dans le comté de Richelieu, les gens craignaient qu’il y ait juste des parents de la ville-centre qui s’impliquent. Maintenant, le territoire sera en cinq districts et nos municipalités rurales seront représentées », explique le député.

Pour la majoration des notes, il assure que les enseignants seront consultés puisqu’ils sont ceux qui connaissent le mieux la situation de leurs élèves.

« Je comprends l’inquiétude des gens dans le réseau scolaire, mentionne le député. […] Il faut laisser le temps à la Loi de prendre place, tout le monde va collaborer. J’invite tout le monde à penser à nos jeunes et à leur avenir. »

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