2 février 2016 - 00:00
Deux bénéficiaires d’aide sociale sur trois n’ont pas de contrainte à l’emploi
Par: Deux Rives

Problèmes personnels, revenu insuffisant, employeur réticent; pour une personne qui bénéficie du programme d’aide sociale, il est difficile de réintégrer le marché de l’emploi, constatent plusieurs intervenants en emploi dans la région. Pourtant, 64% des bénéficiaires sont aptes à travailler.

Selon des données obtenues par une demande d’accès à l’information auprès du ministère du Travail, Emploi et Solidarité sociale, près de 30 000 personnes étaient inscrites au programme d’aide sociale en mars 2014 en Montérégie.

De ce nombre, plus de 19 000 ne présentaient aucune contrainte à l’emploi, soit 64% des bénéficiaires. Autre constat : la durée moyenne de leur prestation d’aide sociale est de 123 mois.

« C’est difficile de s’en sortir si tu n’as pas d’aide. Le principal obstacle est le faible revenu que reçoivent les prestataires. Il y a des coûts à l’emploi. Pour une personne qui se trouve un emploi, le transport pour se rendre sur le lieu de travail coûte cher. Elle n’a pas nécessairement les moyens », donne en exemple la directrice du Regroupement des assistés sociaux, Geneviève Latour.

Une personne seule reçoit 623$ par mois.

« L’aide sociale n’est pas un choix », affirme Geneviève Latour.

Situation économique défavorable

L’économie régionale propose peu d’emplois de qualité dans la région, un autre frein à la réinsertion. « Il faut savoir que bien des emplois sont à contrat, à temps partiel ou saisonniers et que s’installe alors un sentiment d’insécurité face à cette précarité », soutient la directrice de l’Orienthèque, Josée Brunelle.

Un point de vue partagé par Mme Latour. « Ça peut sembler incompréhensible pour certains, mais des personnes préfèrent garder une forme de sécurité. Même si leur prestation est petite, ils sont certains d’avoir un revenu minimum par mois. »

La coach en employabilité au Recyclo-Centre, Nancy Leclerc, abonde également dans le même sens. « Pour plein de raisons, ce n’est pas facile de reprendre sa place. Ce sont des bons travailleurs. Les plus gros problèmes sont le niveau de scolarité et l’offre des emplois », ajoute-t-elle.

Et les employeurs?

Il peut y avoir des préjugés, croit le directeur général du Carrefour jeunesse emploi Pierre-De Saurel, Mario Fortin qui travaille auprès de jeunes assistés sociaux qui tentent de reprendre leur place dans la société.

« Souvent, les prestataires n’ont jamais travaillé. Ils n’ont aucune expérience sur leur curriculum vitae. C’est dur alors de se vendre à l’employeur. Parfois, ils ont de la difficulté à bien se présenter. »

Réinsertion sociale

Même si le chemin est sinueux, le retour sur le marché du travail est possible, ont affirmé plusieurs intervenants. Dans la région, des programmes sont offerts au Recyclo-Centre, à l’Orienthèque et au Carrefour jeunesse-emploi.

« Les employeurs reconnaissent de plus en plus les programmes. Les gens réussissent à s’en sortir. Les gens qui intègrent notre programme le font sur une base volontaire. Ils peuvent juste avoir besoin d’une structure », mentionne Mme Leclerc.

Sans pouvoir avancer des chiffres, tous les intervenants assurent que les programmes aident grandement les assistés sociaux à trouver leur place, soit aux études ou à l’emploi. Dans ces programmes, les assistés sociaux travaillent notamment sur leur présentation (entrevues, CV, etc.), leur scolarité et leur intégration au marché du travail.

Adulte ayant une contrainte sévère à l’emploi

Il s’agit d’un adulte qui éprouve de graves problèmes de santé, c’est-à-dire dont l’état physique ou mental est manifestement déficient ou altéré de façon permanente ou pour une durée indéfinie. Cette personne présente aussi des caractéristiques socioprofessionnelles (études et expériences de travail) limitant ses possibilités d’accéder à un emploi.

Source : ministère de l’Emploi

Quelques statistiques

mars 2012 mars 2014 mars 2015
Nombre de ménages prestataires 27 895 27 086 27 448
Nombre d’adultes prestataires 30 648 29 737 29 882
Prestations versées 18 M$ 18 M$ 18,3 M$
Nombre d’adultes sans contrainte 18 302 17 466 19 165
Durée moyenne en mois 121,3 124,2 123,6

Source : ministère du Travail, Emploi et Solidarité sociale

« J’ai enfin la force de croire en mon avenir » – Myriam Demers

La vie n’a pas toujours souri à Myriam Demers. Après avoir enchaîné plusieurs emplois temporaires et avoir eu recours au programme d’aide sociale, elle peut enfin retrouver le sourire depuis qu’elle a réussi à se sortir de ce cercle vicieux.

Myriam a été élevée dans un milieu modeste à Saint-Roch-de-Richelieu. À l’âge adulte, elle a quitté le foyer pour se trouver un emploi à l’extérieur de la région.

Elle a enchaîné les jobines pendant près de quatre ans avant de tenter un retour aux études en horticulture. Pour des raisons de santé, elle a dû faire une croix sur cette vocation.

« Ça m’a fait un gros coup. Je me trouvais faible. J’ai fait une dépression qui m’a amenée à demander de l’aide sociale. Ça m’a pris environ neuf mois avant de me dire que je voulais en sortir. Je voulais avancer personnellement », raconte-t-elle.

En tout, elle a reçu des prestations pendant près d’un an. Le passage de l’aide sociale au travail n’a pas été facile. Elle a cogné à de nombreuses portes closes dans sa recherche d’emploi.

« Les employeurs se posaient des questions en voyant le trou sur mon curriculum vitae. Il fallait que je trouve les bons mots. Beaucoup m’ont dit non », ajoute-t-elle.

Trouver sa voie

Elle a également eu recours à une agence de placement. « Ça m’a beaucoup aidée, mais je trouvais surtout des emplois temporaires. Je revenais toujours à la case départ. »

Malgré tout, Myriam voit le bon côté des choses. Ses nombreuses jobines lui ont permis de devenir polyvalente, croit-elle. « C’est facile de se laisser abattre, mais je ne pouvais pas. Pour moi, travailler c’est retrouver son estime de soi. C’est un défi en soi. »

Au bout de ses ressources financières, elle a consulté le Centre local d’emploi. Elle a obtenu un poste de commis d’entrepôt à La Porte du passant où elle travaille depuis le 4 janvier 2016.

« Ça m’apporte beaucoup. J’aime vraiment travailler dans un organisme. J’avais beaucoup d’idées pour mon avenir, mais je n’avais pas la force d’y croire avant. Maintenant, j’ai retrouvé la force. Je veux aider les personnes défavorisées et cet emploi me permet d’y arriver », souligne-t-elle.

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